C’est à quelques kilomètres au Nord de Marseille, en traversant la commune de Vitrolles par la Nationale, que je suis tombé sur ce cube de béton noir. J’en avais entendu parlé mais je n’avais jamais eu l’occasion de faire le détour. Le cube renferme une salle de 5000 places, construite par le célèbre architecte français Rudy Ricciotti. Inauguré en 1994, le lieu accueille quelques concerts et événements sportifs avant d’être fermé en 2000 faute de financements publics (le parti politique de l’époque n’appréciait pas la « clientèle »).
C’est entre une nationale et une décharge de bauxite que le cube est posé, tel un ovni ou une oeuvre d’art abstrait. Oublié, silencieux, grillé par le soleil, loin de tout.
Seul la sortie goudronnée et la signalisation témoignent encore de l’activité passée. En remontant la route menant vers l’ancien parking, j’imagine les voitures défilant les soirs de spectacles, les phares qui illuminent la garrigue, les bruits… Après quelques minutes de marche j’arrive face au cube. La sensation est impressionnante, brutale, minimale. Le bâtiment doit faire 15m de haut et 50m de côté. Quasiment aucune ouverture, sauf une porte à moitié ouverte dans un coin, sans doute une entrée technique. Je rentre.
Il me faut quelques secondes pour que mes yeux s’habituent à la pénombre. L’immense salle n’est éclairée que par la porte que je viens de franchir et quelques lanterneaux. Le spectacle qui s’offre à moi est tout simplement hallucinant. 5000 sièges, presque tous intacts, m’attendent immobiles. Leur teinte bois contraste avec le reste tout noir, comme l’extérieur. Tout est encore là, les gradins, les structures techniques au plafond, les salles techniques, certains équipements. Le lieu n’a finalement subit que peu de dégradation en près de 20 ans, sans doute grace à sa situation excentrée. Sa structure robuste en béton y est pour beaucoup également.
A gauche, un escalier m’invite à continuer l’exploration. En arrivant au dernier étage la vue est impressionnante. Mais je ne prendrais pas le risque de m’aventurer sur les coursives suspendues. Je redescends pour m’aventurer derrière les gradins. La pénombre y est totale. Même avec une puissante lampe torche je discerne à peine ce qui fut l’entrée principale du bâtiment. L’architecture y est encore brute, minimale, caverneuse. Le dessous des gradins semblent vouloir m’écraser. Les piliers de bétons s’élancent vers un ciel imaginaire. Les néons qui décoraient l’espace n’ont pas survécu. Seule subsiste une bouteille géante d’Orangina, trace d’archéologie marketing. Je laisse les sanitaires et quelques locaux techniques pour descendre les escaliers qui mènent vers l’entrée. Un minuscule passage me permet de ressortir.
Mes yeux ont du mal à s’habituer à la lumière. Le contraste est douloureux après près d’une heure dans la pénombre. Je passe sous une immense dalle de béton qui servait de porche pour déboucher sur la place d’entrée. Une statue ressemblant à un ananas anorexique ou un palmier cyborg me fait face. Sans doute le vestige du 1% artistique. Je redescends vers la voiture. Les marseillais qui empruntent chaque jour la nationale ont sans doute oublié l’euphorie d’antan. Ils ont sans doute oublié que ce bloc de béton noir abrite encore des trésors cachés.
J’entends déjà les reproches. Pourquoi localiser un lieu abandonné et trahir la charte des urbexeurs ?
Tout simplement parce que ce lieu ne va pas rester ainsi très longtemps. Une association – http://stadiumdevitrolles.com – menée par un étudiant en architecture passionné tente de redonner vie au lieu. Le budget de remise en état (qui se chiffre a priori en millions) ne rend pas la tâche facile, mais croisons les doigts pour que d’ici l’été de premières activités officielles reviennent.
Crédit photo : Bernard Viret (si vous partagez ou utilisez les photos n’oubliez pas de parler de moi 😉 )